Et voici le dernier volet des interviews du 25, l’incubateur d’entreprises hébergé au sein de notre maison-mère Alptis. Nous avons rencontré Sarah Da Silva Gomes, fondatrice de Constant & Zoé. Cette nouvelle marque de prêt-à-porter lyonnaise imagine et crée des vêtements pratiques et esthétiques pour les jeunes en situation de handicap.
Bonjour Sarah, pouvez-vous nous présenter votre activité ?

Constant et Zoé est une marque créée pour les jeunes en situation de handicap. Les vêtements sont pratiques, sympas et colorés. J’ai commencé à travailler sur le projet en 2012. La société a, quant à elle, été créée le 2 janvier 2015 car j’ai attendu la fin de mes études pour me lancer à 100 %.
Comment vous est venue cette idée ?
Constant est le prénom de mon frère. Il est infirme moteur cérébral suite à un accident médical à la naissance. Nous avons rapidement été confrontés au problème de l’habillage. Je me suis naïvement dit que j’allais trouver du prêt-à-porter sur internet. J’ai été déçue de voir qu’il y avait peu de choses. A force de penser que ce n’était pas normal qu’il n’existe rien de facile ni de joli à mettre pour les personnes qui en ont le plus besoin, j’ai décidé de me lancer et d’essayer de proposer une première solution.
Comment avez-vous financé votre projet ?
J’ai d’abord travaillé afin de mettre de l’argent de côté. En 2013, Constant & Zoé a remporté 20 000 € grâce au concours « SFR Jeunes Talents Entrepreneurs Sociaux ». Nous avons participé au dispositif Inovizi et avons bénéficié d’un financement de la région pour le développement de la collection. La Banque Privée d’Investissements finance partiellement le site internet. Constant & Zoé a reçu deux prêts d’honneur : un de la Caisse d’Épargne et un de Rhône Développement Initiative. En avril dernier, nous avons lancé une campagne de financement participatif « Ulule » pour prendre en charge une partie de l’approvisionnement. Nous avons récolté 17 000 € : 2/3 de dons et 1/3 de précommandes.
L’avantage du financement participatif, au-delà de l’aspect pécuniaire, c’est la possibilité de faire connaître sa marque au niveau national mais également au-delà des frontières : j’ai reçu des précommandes provenant du Luxembourg, de la Suisse et de la Belgique. Nous avons nos premiers clients avant même de recevoir la production.
De quel cursus venez-vous ? Avez-vous du compléter votre formation initiale ?
J’ai étudié à l’ESDES, école de commerce à Lyon. Ma formation m’a inculqué les bases en stratégie, comptabilité, finance et marketing. Puis, j’ai été immergée dans le monde de l’entreprise en travaillant pendant deux ans et demi pour une marque de maroquinerie. Très vite, on m’a demandé d’être autonome et polyvalente. Cette expérience a été très formatrice. Jusqu’à présent, je n’ai pas ressenti le besoin de la compléter.
A quels obstacles avez-vous été confrontés lors de la mise en place de ce projet ?
Trouver les partenaires clé peut s’avérer difficile. Il a fallu dénicher les fournisseurs qui disposent des matières recherchées à des prix abordables, le bureau d’études prêt à travailler sur un projet un peu atypique puis l’atelier de production.
Selon vous, de quelles qualités faut-il disposer pour réussir quand on crée son activité ?
Il faut être motivé et agile. On n’est pas « bon entrepreneur » car on accumule les succès, on le devient car on trouve des solutions à des problèmes qui s’accumulent. Il faut être réactif. Il y a toujours des solutions, il faut juste les trouver.
Revenons-en à votre ADN : est-il difficile de trouver des vêtements pour personnes dépendantes ?

Oui et ceci pour 3 raisons :
- Une offre insuffisante : aujourd’hui, si l’on confond toutes les tranches d’âge – enfants, adultes et seniors – il doit y avoir en France huit marques proposant quelques modèles de vêtements.
- Un paradoxe dans la distribution : celle-ci se fait très souvent sur catalogue ou en ligne. Or, les vêtements doivent être pratiques et nécessitent un essayage préalable. Acheter à distance est un peu paradoxal, il est impossible de toucher, de manipuler et d’essayer.
- Un manque de communication : de par son coût, la communication est souvent le dernier maillon de la chaîne. Par conséquent, les cibles sont très peu informées sur les marques existantes.
Comment avez-vous créé la collection ?
Je travaille avec la plateforme technologique Text’In, intégrée au lycée La Martinière Diderot à Lyon. C’est un bureau d’études composé de professionnels et d’étudiants. Cette coopération a vraiment été un travail d’équipe : j’ai présenté mes idées, ils ont défini et conçu les produits. Puis, nous avons fait des tests. Une quarantaine d’étudiants a été sensibilisée à la problématique du handicap. Ils ont réussi à faire concorder les tendances mode avec les besoins spécifiques aux personnes handicapées. C’était vraiment super !
Comment distribuez-vous vos produits ?
D’ici fin septembre, les internautes auront accès à notre site de vente en ligne. A partir de novembre, la plateforme deviendra « astucieuse ». Les familles pourront disposer des vêtements avant de passer à l’achat. Après avoir commandé et laissé une empreinte bancaire, elles auront environ une semaine pour essayer les vêtements et faire leur choix. En cas d’insatisfaction, le client n’aura qu’à renvoyer le produit qui ne lui sera pas facturé. Les frais d’envoi seront gratuits. Les frais de retour le seront également à partir d’un certain montant de commande.
Nous nous rendons sur des salons afin d’augmenter notre visibilité et organisons des ventes éphémères dans les centres spécialisés pour les personnes handicapées.

Avez-vous conclu des partenariats pour appuyer votre démarche ?
Du 16 au 22 novembre 2016 se déroulera la semaine du handicap. Une trentaine de boutiques Promod mettra en avant notre marque en magasin et sur internet. Grâce au Village des Créateurs, un espace nous sera également dédié aux Galeries Lafayette de la Part-Dieu à Lyon pendant tout le mois de novembre.
Quels sont vos projets pour les mois à venir ?
Une fois la machine bien en marche – notamment après envoi des premières commandes – nous plancherons sur la prochaine collection !
Avril 2016 : Tommy Hilfiger lance une gamme de vêtements pour les enfants handicapés.
Le marché des vêtements adaptés aux personnes handicapées se développe et attire des griffes prestigieuses : en collaboration avec l’association Runway of Dreams, la marque dévoile, dans un court vidéoclip, sa nouvelle ligne de vêtements adaptée à différents handicaps.